A tous crins dans les Highlands

Princesse à l’enfant

Un petit cheval à l’écart du monde…

Les Highlands. Son monstre du Loch Ness, sa météo instable, son Histoire faite de durs labeurs et de combats épiques, et ses paysages à couper le souffle…

Imaginez une petite île de la mer des Hébrides, Mull. Des falaises escarpées se jettent dans la mer où seuls quelques ferrys dans la journée viennent troubler le calme ambiant. Le ciel est gris avec quelques tâches de bleu, l’herbe bien verte, et l’horizon se perd très loin derrière les montagnes cachées dans un semblant de brume. C’est dans ce décor, à l’extrémité sud-ouest des Highlands, et juste au-dessus du village très coloré de Tobermory que j’ai fait connaissance avec le poney des “hautes terres”, chez Anne Lewis, à la ferme Erray. Gardien d’une Histoire riche et d’un patrimoine culturel profondément enraciné, ce petit cheval trapu au crin dansant dans le vent, occupe aujourd’hui une place discrète mais fortement symbolique dans une région longtemps oubliée par la modernisation.

A ce jour, la race compte environ 5500 individus dans le monde et la France est le deuxième pays accueillant le plus de poneys Highlands après l’Ecosse. Dans cet article, je vous emmène à la découverte d’une race finalement peu connue, en explorant ses origines et son évolution, son rôle culturel et les utilisations dont elle fait actuellement l’objet.

La vie sur l’île

Un poney rustique aux origines complexes

Les Highlands sont une terre au climat rude, à la terre peu fertile et à la géographie faite de très nombreuses îles et d’une zone continentale difficile d’accès. Pour autant, grâce à leur exceptionnelle façade maritime, elles furent longtemps le lieux d’échanges culturels entre des peuples très différents. L’histoire des origines de notre petit cheval résume à elle seule la richesse de ces échanges.

En effet, si la création du registre généalogique de la race Highland remonte à 1886 et à son étalon fondateur Heard Laddies né en 1981, la présence de chevaux dans la région est bien plus ancienne. Des fouilles archéologiques ont permis d’établir la présence de chevaux sauvages dès le Pléistocène, vers -700 000 ans avant notre ère. Plus proche de nous (!), des gravures de chevaux réalisées par les populations pictes, dans le courant du 1er siècle, ont été retrouvées en Ecosse. Mais les premières sources décrivant l’importation de poneys dans les Highlands remontent au moyen-âge où les influences scandinaves sont particulièrement fortes. Des apports de chevaux de types Fjord et Islandais ont constitué une première base qui expliquerait les ressemblances morphologiques encore perceptibles aujourd’hui entre le Highland et ces autres races. Au XVI° siècle, un nouveau sang vient encore enrichir la race de poneys locaux. Des chevaux de trait français, de type percherons, sont offerts au roi d’Ecosse par Louis XII. Puis, au cours des siècles suivant, des apports progressifs de chevaux espagnols, arabes et Clydesdale ont donné au poney des hautes terres d’Ecosse ses particularités : un cheval rustique, adapté à son environnement, plus grand et plus trapu que tous les autres poneys des îles britanniques. De récentes études génétiques viennent confirmer ces apports de sang au cours de l’Histoire. 

Enfin, depuis 1923, date de création de la Highland Pony Society, le standard de la race est établi et les instances associatives œuvrent à sa conservation.

Etalon avant l’orage

Façonné par les Hommes, pour un territoire hors normes

Dès le XVIII° siècle, ce sont les paysans locaux (crofters) qui vont faire évoluer, par croisements, la race du poney Highland pour répondre à leurs besoins sur le terrain. Le poney est à l’époque décri par les visiteurs de passage comme dur à la tâche mais désagréable à monter et peu élégant, long de dos, court sur ses membres et la tête épaisse. C’était avant tout un cheval de travail, plus souvent bâté que monté et dont les qualités recherchées ne correspondaient pas aux chevaux plus “nobles” de la basse Ecosse et de l’Angleterre. 

« Le poney Highland doit être compact mais bien proportionné, avec toutes ses caractéristiques en proportion de sa taille, et montrer de la force et de la substance. »
— Highland Pony Society

La Highland Pony Society est là, dès le début du vingtième siècle pour travailler à l’amélioration de la race et vise à en faire un poney très polyvalent, aussi bien monté que bâté ou attelé. Le standard ne dépasse pas 148cm. Il dispose d’une tête courte mais large, aux ganaches profondes, surmontée de deux petites oreilles espacées. L’encolure est épaisse et raisonnablement longue, la crinière longue et fournie, tout comme la queue. Le corps est plutôt court et cylindrique, reposant sur des membres courts, solides et forts. La croupe est puissante et large et la queue attachée haut.
Si les marques blanches, au-delà de l’étoile, sont disqualifiantes, les couleurs de robes peuvent être très variables, allant du bai foncé au gris en passant par des robes plus révélatrices de ses origines ancestrales : gris souris, isabelle avec souvent des réminiscences de raie de mulet ou de zébrures. Le noir est peu fréquent, plutôt caractéristique d’autres races de poneys britanniques.

Ces traits physiques nous ramènent à l’Histoire du Highland et à ses utilisations premières. Bâté, il permettait de porter sur de longues distances et sur un terrain difficile la tourbe nécessaire au chauffage des maisons ou les carcasses de cervidés ramenées de la chasse (une activité pratiquée encore aujourd’hui par les stalkers, des chasseurs professionnels en charge de la régulation des cervidés dans les Highlands). Il servait aussi à la garde des moutons, au débardage et aux travaux agricoles. Pendant les guerres, il intégrait aisément les divers corps de cavalerie pour sa capacité à porter de lourdes charges.

Vers la moitié du XX° siècle l’utilisation du poney Highland s’est encore diversifiée en intégrant notamment diverses disciplines d’équitation de loisir. Malgré sa petite taille, il est en mesure de porter des cavaliers de tous âges et son caractère “facile" le rend particulièrement attractif. Il se trouve être aussi un excellent cheval d’attelage et un très bon randonneur, rustique et aux pieds solides.

Braveheart

L’amour d’une Reine…

La Reine Elizabeth II entretenait une relation privilégiée avec le poney Highland. En 2007, elle a initié un programme d’élevage dédié à cette race dans son vaste (20 000 hectares !) et escarpé domaine de Balmoral, dans les Highlands. L’ambition était de participer à la préservation de la race classée comme “vulnérable” ainsi que des pratiques culturelles traditionnelles qui lui sont associées.

Passionnée, la reine suivait de près la gestion des troupeaux. Elle faisait preuve d’une compréhension approfondie des problématiques de croisement, mettant en avant des pratiques visant à préserver la diversité génétique tout en assurant une robustesse adaptée aux conditions rigoureuses des Highlands. Elle aurait elle-même nommé chacun des poulains nés à Balmoral. Une équipé dédiée au programme s’assurait de mettre tout en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Mais à la mort de la reine, la décision a été prise de rapatrier tout le programme d’élevage en Angleterre. Une décision difficile pour les acteurs de la conservation du poney Highland.

… et quelques légendes

L’écosse est une terre de mythes et légendes. Et le poney Highland se retrouve bien sûr parmi certains d’entre eux. Avez-vous entendu parlé des Kelpies ? Ces créatures à la fois aquatiques et chevalines appelées aussi “esprits du lac” peuvent être étroitement liées au poney des hautes terres dont elles prendraient la forme lorsqu’elles viennent au contact des humains.

Il se dit aussi que le fantôme d’une jument blanche arpente les highlands à la pleine lune. Elle ne se laisse approcher que par les cœurs purs dont elle exauce les vœux.

Enfin, une horde de chevaux maudits par un sorcier vengeur sillonnerait les highlands la nuit tombée. On les reconnaîtraient à leurs yeux brillants d’une lumière étrange. Et quiconque croise leur chemin peut s’attendre à une catastrophe imminente…

Ces histoires lient intimement le cheval, le territoire et les esprits.
Cela me fait repenser aux regards de ces chevaux que j’ai pu photographier il y a quelques années dans les Highlands. Des regards pleins de détermination, de solidité. Inébranlables. Ils pâturent avec assurance sur des terres aussi envoutantes qu’exigeantes, des paysages somptueux régulièrement emportés par de ténébreux orages. Le Highland dispose d’un sous-poil doux et dense qui lui permet de résister aux hivers les plus durs. A ses côtés, il me semble que moi aussi, je pourrais laisser passer l’orage sans ciller. 

ô princes et princesses
épris de liberté
dont l'antique sagesse
forge le caractère
laissez-moi découvrir
ce royaume isolé
que le ciel fait souffrir
mais dont vous êtes fiers

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